SOUVENIRS DE VACANCES A FRAZE
SiteFRAZE Mes vacances de gamin chez MamieOfficiel

Cette page est a été écrite juste pour le plaisir d'y poser quelques souvenirs d'enfance.  Elle est fragmentaire, incomplète, pas du tout objective et contient certainement beaucoup d'inexactitudes.

Je ne suis pas né à Frazé, mais dans les Yvelines en 1959. Après une vie professionnelle bien remplie, mes grands-parents qui habitaient Chatou décidèrent d'acquérir une maison pour leur retraite à Frazé, en Eure et Loir  en 1964. Ils n'y avaient aucune attache familiale. Deux parisiens viennent vivre à la campagne.

Dès lors , le hameau de la Courbe, à l'angle du chemin qui mène à la Toucauderie, devint chaque année le lieu d'une partie de mes vacances d'été, et de nombreux week-ends et vacances scolaires.

Née en 1905, ma grand-mère nous a quittés en 2004, et elle est inhumée dans le cimetière de Frazé, entouré par les bois. Entre 1964 et 1990, j'ai arpenté à pied, à vélo, en car, en voiture la campagne autour de Frazé ; mon intérêt pour tous les modes de transport est un prisme pour évoquer cette époque.

La 4L

Ma grand-mère Marie FEAT fut rapidement veuve et ne conduisait pas. Si les week-ends, ma tante et mes parents venaient en voiture, on faisait appel aux voisins et à leur Renault  4L pour les déplacement impératifs.
Au milieu des années 1960, au fond du chemin de la Toucauderie, demeurait la famille Roy. J'avais à peine 10 ans, et le père Roy m'impressionnait avec sa carrure et sa jambe de bois, résultat d'un accident de voiture ancien au carrefour des routes de Brou à Luigny et de La Croix du Perche à Unverre.
Sa voix grave et forte de "maître des lieux" règnait sur son épouse, femme fine toujours active dans la ferme, et son fils célibataire Marius, qui nous conduisait dans sa 4L bleu clair, toujours volontaire pour aller au bourg de Frazé, ou à Brou. Réputé amoureux de ma tante célibataire également. 

Cette voiture emblématique des campagnes françaises était aussi celle du facteur, dont le klaxon annonciateur de courrier se faisait entendre au loin, guetté par chaque ferme. Il entrait dans les cours et dans les maisons, apportait journaux et courrier, remettait des espèces contre chèques ou mandats, et repartait avec du courrier à expédier. Il s'attablait souvent pour se désaltérer.

Le vélo

Indispensable outil de ma grand-mère, que j'accompagnais dès mon plus jeune âge, il servait à tout.
Aller au bourg, distant de 2.8 km par la route de Luigny à Frazé, que je connaissais par coeur.
Plus loin, nous pouvions aller jusqu'à La Croix du Perche ou même Brou; les 20 km de l'aller-retour un peu ondulant ne faisaient pas peur à ma grand-mère.
Nous allions aussi à vélo dans les fermes proches, chercher oeufs , lait, pigeons et autres volailles. La famille Joubert, en face "à la Courbe d'Unverre" ou ses neveux sur la route de Luigny nous fournissait souvent, mais aussi la famille Roy. et comme le téléphone n'arriva que plus tard, il fallait aussi se déplacer pour réserver le poulet ou le  lapin pour tel jour.
Pour le canard, le spécialiste se trouvait à La Chevillière, sur la route de La Croix du Perche.

Mon père Jacques Meunier avait la permission de pêcher dans le bel étang proche de cette ferme, et aussi dans la grande mare de la Famille Roy. Je l'accompagnais souvent. Il chassait aussi au côté des fermiers locaux. Nous donnions aussi un coup de main à la moisson, avant qu'elle perde son côté artisanal.

Plus tard, plus autonome à partir de mes 15 ans, j'effectuais seul de grande randonnées à vélo, vers Courtalain, Nogent, La Ferté Bernard, La Loupe, Condé sur Huisne, Courville, Chateaudun et Bonneval. Un but commun à ces raids : la photo ferroviaire ou une présence féminine.... J'avais installé un transistor  fixé sur le guidon, jamais vraiment seul.

Les jours de paresse, j'allais vers l'est et la Beauce, aux grandes étendues plates. Plus courageux, j'attaquais l'ouest et le Perche, avec ses incessantes montées et descentes. Frazé se trouve au confluent de ces deux contrées. La station de train ouverte auxvoyageurs la plus proche jusqu'à la fin des années 1970 était Vieuvicq-Montigny, halte sur la ligne Chartres-Courtalain-Chateau du Loir, dotée d'un petit batiment qui faisait aussi office de  maison de garde-barrières, qui fut ensuite démoli et remplacé par une sorte "d'abribus". Puis les trains  ne s'arrêtèrent plus.

Au début des années 1970, il fallait rejoindre cette ligne pour croiser un train, entre Illiers et Brou. Mais je les ai connus plus tôt à Frazé, nous y reviendrons.


Le car Version 1

Dans les années 1960-70, le car n'était pas absent à Frazé, mais  ses fréquences rares donnaient à ces déplacements un goût d'aventure, pour le gamin que j'étais.
Chaque mercredi en début de matinée, nous prenions nos vélos pour nous rendre au bourg. Le garagiste, en face de l'épicerie Trécul, acceptait volontiers de les garder pour la matinée.

Une fois déposés nos vélos, nous attendions le car, qui, de ferme en ferme, par le Boulay, Vieuvicq et Mottereau, allait nous mener au marché de Brou.
Paniers dans les soutes, sur le toit, dans le véhicule, s'entassaient avec les fermiers qui allaient vendre leurs produits. Les paniers contenaient souvent des animaux, poussins, canetons, lapins, et autres volailles; l'odeur dans le bus était celle du terroir.

Le marché de Brou était un régal, des centaines d'animaux exposés dans des cages sur le sol, une animation intense.

Le rituel prévoyait une pose limonade-cornet à la crême dans un café bondé sur la place de la halle, non loin de l'armurier Vouzelaud, et j'attendais là un second temps fort, qui m'était très personnel; j'avais repéré en passant en voiture, un autorail qui passait en gare vers 11 heures, avec des plaques de destination qui m'avaient intriguées : "Niort Chartres", parfois même une plaque "La Rochelle" restait fixée sur l'engin.
Cet autorail rouge et crème, moderne pour l'époque (on dit aujourd'hui Caravelle) ne ressemblait pas aux autres plus vieux utilisés entre Chartres et Courtalain. 




Aurorail X4300 Caravelle au sud de Brou



Autorail ABJ3 Renault à Vieuvicq Montigny 1975



1975 : le dimanche matin, c'est une composition fumante qui quitte Vieuvicq pour Brou (ABJ + Picasso)


Vers 1965/67, je harcelais donc chaque mercredi ma grand-mère, qui protestait pour la forme mais finissait toujours par céder, pour que nous marchions jusqu'à la gare pour voir cet autorail, inexistant dans ma banlieue natale.

Triomphe en 1967, quand je réussis à me faire offrir un aller-retour en train de Brou à Chateau du Loir ! Bien m'en prit sans le savoir, car la ligne ferma pour l'essentiel en 1970  au sud de Courtalain!  Mais malheur quand même, car l'autorail tant espéré ce jour là, s'était mué en une rame tractée verdâtre, dite Talbot ! 

Puis une fois l'autorail passé, nous marchions pour reprendre le car et ses paniers très allégés, vers Frazé, puis nos vélos qu'à la maison.


Le car Version 2

Si le car de Frazé à Brou à la fin des années 1960 était peu fréquent, celui qui pouvait nous emporter vers Chartres était rarissime. Il était mensuel !

Mais il avait un mérite. Arrivant de Nogent le Rotrou par La Croix du Perche, il s'arrêtait, un samedi par mois, juste au bas de la maison, au carrefour des routes d'Unverre de Luigny, de La Croix du Perche et de Frazé.

Un parcours de près de 40 km, pour une ballade toujours agréable dans la vieille ville, au bord de l'Eure, et évidemment...à la gare, qui par son importance, sa caténaire et son trafic, agissait sur moi comme un aimant. Succession ininterrompue des trains de grande ligne (le Tgv Atlantique n'existait pas) et des convois de marchandises à toute heure du jour...la misère ferroviaire d'aujourd'hui n'en est que plus criante pour l'amateur photographe qui a connu cette époque.


La télévision

Hors-sujet, sauf à évoquer le transport de l'image.  Ma tante, une des filles de ma grand-mère, vivait à Chatou, et travaillait dans la plus grande entreprise de cette ville yvelinoise : Pathé Marconi., qui outre des disques microsillons, fabriquait du matériel de télévision sous la marque "la Voix de son Maître" puis Thomson Ducretet.

Cet emploi privilégié permit, à nous gamins de recevoir très jeunes un tourne-disque et de nombreux 45 tours gratuits, et surtout  à ma grand mère de bénéficier dès le milieu des années 1950 d'un poste de télévision, d'abord à Chatou, puis à Frazé.

A Frazé, elle fut l'une des premières ainsi équipées. Certains soirs, les fermiers voisins et leurs enfants de mon âge, les anciens Georges Dhuit, Joubert, Roy,  venaient voir 'La Piste aux Etoiles" ou Zorro. Pour moi seul, chaque soir, c'est Nounours

Cette télévision en noir et blanc maintenue dans la journée débranchée,  était placée sous une house, que l'on ôtait avec précaution avant usage, et il m'était strictement interdit de l'allumer, et même d'y toucher. Les parasites étaient fréquents, et les "interludes" - interruptions de programme - nombreux.
Quant au nombre de chaines, de mémoire il n'y en eût longtemps qu'une seule.


Le moto-cross de Brou

Ce motocross international dit de Brou se tenait à la Pentecôte,  en réalité sur la commune de Dampierre sous Brou, et en pratique au bout de ma rue !  Attraction locale de première importance, il induisait un fort trafic automobile dans le hameau de la Courbe, et je m'y rendis souvent à pieds ou à vélo. Doté  depuis 1972, date de ma communion solennelle, d'un apparail photo, l'occasion était belle.





Le site est toujours actif en 2016


Quand j'entends siffler le train

La hameau de La Courbe devait se situe à environ 3.5 km de la gare de Frazé.  Car vers 1965, il y avait encore une gare à Frazé, bien mystérieuse pour le gamin de 6 ans que j'étais; en arrivant de Montigny le Chartif en voiture,  on franchissait un passage à niveau, qui ne comporte déjà plus de voie ferrée, mais pourtant, quand nous arrivions en voiture pour un un jour ou deux, ou pour me laisser en vacances, je voyais sur la droite une gare, et j'y avais même vu des rails. Mais point de train.

Pourtant ma grand-mêre m'affirme qu'il y a bien des trains, de marchandises. Il viennent de La Loupe, et Frazé et devenu le terminus de cette antenne qui atteignait jadis Brou par Mottereau. D'ailleurs, elle se moque d'elle même en me disant qu'elle a acheté la maison à Frazé car on lui a dit qu'il y avait une gare, en oubliant de lui dire qu'elle était fermée aux voyageurs depuis 1938...

Oui , cette gare m'intrigue. Je vis mes vacances dans le jardin, souvent au bord de la mare qui est mon théatre de jeux, je pêche la grenouille, j'attrappe la libellule ou le papillon, ce qui inquiète au plus haut point ma grand-mère qui m'imagine noyé, surtout quand j'y jette exprès un énorme pavé en allant me cacher....Méchant

Mais soudain, au loin, j'entends siffler le train du côté de Chassant, ou Thiron. Nous l'entendons de très loin, et il avance lentement, cornant à chaque passage à niveau non gardé. J'avais fait promettre à ma grand-mère, qu'à la prochaine occasion, nous prendrions nos vélos et nous irions à la gare pour voir ce train fantôme. Parole tenue, elle abandonne ses travaux en cours, car c'est une femme petite et sèche, toujours active. excellente cuisinière qui a fait carrière dans les offices des grandes familles du Vésinet. J'ai vu entre ses mains, la volaille étouffée, saignée, plumée, flambée, en un tournemain.

Mais que ne ferait-elle pas pour moi ? Nous sautons sur les vélos, et nous voilà fonçant vers le bourg (c'est plus roulant pour aller que pour revenir).
Nous passons Trécul. Prenant en face, nous laissons la marchande de journaux à notre droite, tout droit encore, nous montons à la gare, où le train vient d'arriver.




Ambiance de desserte diesel sur une antenne percheronne 




La gare de Frazé en Août 1966. On distingue l'ex bâtiment voyageurs et sa halle acollée, et un hangar plus récent. Ce terminus est équipé de deux voies qui se terminent en "tiroir", moignon subsistant de la ligne vers Brou,  pour permettre aux locomotives de "changer de bout"




La gare de Frazé vers 1900


Une locomotive diesel verte (BB 63500 pour les intimes) et trois wagons. on manoeuvre au lancer, je me souviens avoir cru que les wagons avaient un moteur... en réalité la locomotive pousse les wagons non attelés et s'arrête, laissant rouler seul le wagon, méthode aujourd'hui peu recommandée.

On charge des sacs, on laisse un wagon, puis la locomotive se replace en tête pour repartir vers La Loupe. Peu après son départ, elle passera près du cimetière et traversera par un passage à niveau non gardé en cornant la route de Happonvilliers par La Leu....là où repose ma grand mère au côté de mon grand-père...Quant à la ligne, elle ferma définitivement le 7 mai 1971 de Frazé à La Loupe.




En avril 1999, j'ai 40 ans. A  94 ans, ma grand-mère Marie a toujours bon pied et bon oeil. Elle marche tranquillement avec sa fille, ma femme et mes enfants de la Courbe à la Chevillière, ici au bord  de l'étang de cette grande ferme. 



Ici à La Courbe le même jour, peu avant son départ en maison de retraite à Brou. Ses arrières petits-enfants auront connu Frazé

Aujourd'hui,

je me rends souvent en Vendée et je passe à Frazé par l'A 11. L'aire de repos de Brou-Frazé porte un nom plus attirant, aire des Manoirs du Perche. J'ai visité certains de ces manoirs plus ou moins fortifiés de Frazé, le Grand Cormier, Carcahut,  où demeurait notamment celui qui louait sa moissonneuse batteuse aux paysans plus modestes.. Il s'appelait... Meunier !

Ma grand-mère habitait, là tout près, et j'ai vu l'autoroute se construire. Combien de fois suis-je passé à vélo sur le pont de  la route d'Unverre...ou traversé l'autoroute quand elle n'existait pas ?

La population du village n'a pas beaucoup augmenté, mais aujourd'hui, je le trouve plus beau que dans mes souvenirs  J'y ai connu le garagiste, l'épicerie Trécul, le boulanger, la marchande de journaux, mais aussi un notaire, un boucher et une Poste....Le train a disparu à Frazé avant l'année 1970.  On recherche aujourd'hui le touriste vert, moi j'y passais une partie de mes vacances, touriste vert sans le savoir, et plus tard à plus de 20 ans, j'y préparais encore mes examens universitaires ou mon diplôme d'expert-comptable. Dans le jardin, ou souvent à la base de loisirs de Brou avec ma planche à voile et l'oeil au fond du lac vers le train qui allait passer.. 

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