L’ACCIDENT DU 4 NOVEMBRE 1964 A ACHERES (Bifurcation des Ambassadeurs)

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Préambule du site:


Jean-Pierre COMES a bien voulu nous confier un texte qu'il a rédigé sur le tragique accident qui survint le 4 novembre 1964 au niveau de la bifurcation dite des  Ambassadeurs, sur le territoire de la commune de St Germain en Laye

Nous publions ce texte et les documents qui l'accompagnent, avec son accord, avec la volonté de remettre les faits dans leur contexte, et d'illustrer le courage et la mémoire de ceux qui ont donné leur vie pour accomplir leur devoir. Nous avons ajouté quelques illustrations issues de notre collection.

Cet accident fut engendré par un déraillement survenu au sein d'un convoi de marchandises RA 42368 , qui se rendait de Creil via Conflans et Achères, vers Poissy St Germain et Versailles par la Grande Ceinture Ouest.
Les trains 103 puis 102, rapide et express à destination et en provenance de Paris et du  Havre, furent à leur tour impliqués dans cette collision.


Préambule de l'auteur :

Les faits qui relatent directement cet accident, sont exacts et tirés des rapports d’enquête conservés aux Archives SNCF du Mans. 

Les noms des cheminots concernés ont été changés. La narration est un travail d’imagination romancé, basée cependant sur des descriptions, ou des pratiques, réelles, ou vraisemblables. Les photographies, malheureusement de qualité moyenne, ont été prises par un riverain, mais ont l’attrait de n’avoir jamais été publiées.

                                                                  

                                                       
Le RA 42368

Ce mercredi matin, il faisait relativement bon, malgré le bruit et l’odeur de gas-oil, dans la cabine de la CC 64007. Le MECRU (Mécanicien de route) Marchand du dépôt de Creil, se dit que ce n’est pas parfait, mais que côté confort, et tranquillité morale, la conduite d’un Diesel est finalement rassurante. C’est un vaporiste, qui a du passer par une formation de reconversion. L’électrification Paris- Nord en 1958 a fortement diminué les prestations vapeur des équipes de Creil. Heureusement, les 141 TC de Beaumont qui y relaient, et les 141 R entre autres, fournissent encore un roulement correct. Ce bouleversement dans la Traction est fulgurant. A tel point que même ces gros Diesel ont été chassées de la partie Nord – Est de la Grande Ceinture (GC), électrifiée en 1963, et ont du chercher du trafic jusqu’à Creil, ce qui est loin pour elles ! Comme lui, elles se reconvertissent, et leur gros domaine d’activité concerne maintenant l’Ouest de la GC. Marchand se demande si il ne devra pas aussi passer par une formation « Electrique », compte tenu de l‘irrésistible progression des « ficelles» (1). Il n’est pas emballé, à quelques années de la retraite, et conserve un attachement à ses Vapeurs qui constituent encore une partie non négligeable de son roulement. Marchand pense que son jeune aide conducteur (AICDDZL) devra s’adapter et ne fera pas le même métier que lui ! Ils mènent donc un train de messageries Creil – Trappes, le RA 42368. Derrière la CC 64007, il y a 35 wagons, 70 essieux pour 564 t.

 

Après avoir passé Persan - Beaumont, Saint Ouen L’Aumône, Eragny, Conflans Fin d’Oise et traversé la Seine, le RA 42368 aborde la forêt d’Achères un peu avant 9h.

Au loin, l’avertissement du signal protégeant l’accès à la voie 3 de Paris – Le Havre vient de virer du jaune au vert. Ils ne perdront pas de temps pour passer la bifurcation des Ambassadeurs. Il desserre le frein automatique, et roule sur l’erre. Marchand, se remémore la suite du programme : quelques centaines de mètres à faire sur cette voie 3, avant de prendre à gauche la GC vers Poissy GC, Saint Germain GC, Saint Nom La Bretèche, Noisy Le Roi, puis le faisceau de Saint Cyr l’Ecole, où il rebroussera sur la ligne Paris – Le Mans jusqu’à Trappes. Le casse-croûte au dépôt sera le bienvenu ! En quittant la voie 3 par la GC, il aura à passer un point dur : courbes et rampe de 11 pour mille, en tranchée et en forêt sur 5 km jusqu’au tunnel des Relais. Cette zone a toujours été redoutée par les tractionnaires, qui, surtout en Automne, craignent les feuilles mortes, causes de patinages imparables. Marchand se rassure : il n’a qu’un train relativement léger, et sa CC admet 1600 t sur cette ligne. Elle a une excellente adhérence, et il a vérifié l’approvisionnement des sablières. Le rail est sec. Et puis surtout, avec cet engin, pas de crainte d’aborder la rampe avec peu de gaz et pas d’eau dans la chaudière ! Il passe le carré ouvert puis le pont au-dessus des quatre voies Paris – Le Havre, et se laisse descendre vers l’aiguille qui le raccordera à la voie 3. C’est une traversée – jonction – double, la TJD 7a7b/8a8b. Il ne tractionne pas, car le raccordement est en pente de 10 pour mille, et il se laisse couler à moins de 30 km/h. Il est 9h. 

Achères Bifurcation des Ambassadeurs: sous son numéro transitoire, la CC 64011 sort du triage et franchit les voies de Normandie en direction de Poissy ou de la GC Ouest.  Vue rare de ce type de locomotive en tête d'une rame de voitures, probablement en acheminement à vide.



Comme la 64007 juste avant l'accident, la 64011 franchit ici les voies 1 à  4 sur le pont des Ambassadeurs avant de se laisser glisser vers la voie 3, devenue aujourd'hui 1 bis.

Le 103

 
Dépôt des Batignolles. L’équipe du dépôt de Havre, Patriarche (MECRU) et Pavier (CFRU) (2) arrive à la « feuille », le bureau de commande des roulants, pour prendre son service, une heure avant la prise officielle, comme ils en ont l’habitude. Ils veulent avoir le temps d’astiquer leur Pacific dont ils sont titulaires, et qu’ils avaient rentrée dans ce dépôt la veille. C’est la 231 D 538 (du Havre également). Il est impensable qu’elle sorte sale pour se mettre en tête à Saint Lazare. Les machines de vitesse de la région Ouest, gardent un état mécanique et une apparence impeccables malgré leur fin programmée sous quelques petites années. L’électrification de Paris – Le Havre est en cours, et la ligne est déjà jalonnée de poteaux et caténaires. Cette propreté est leur honneur de tractionnaire, soutenu par la Direction du Matériel et Traction de l’Ouest qui reste traditionaliste, sur ce point . Ces Pacific, puissantes et rapides (130km/h) sont en charge des meilleurs trains sur Cherbourg et Le Havre. Pour commencer, Pavier se préoccupe du feu, Il a été rejoint par Lapôtre qui fait un stage chauffeur (OPFL). Certainement un des derniers stagiaires… La pression est suffisante pour activer le souffleur. Le charbon en ignition a été regroupé en talon, au milieu du foyer, près de la porte, pour le stationnement durant la nuit. Il l’étale vers l’avant et sur les côtés, avec le ringard sorti de son fourreau. Il vérifie le niveau d’eau : la chaudière est pleine. Il monte sur le tender et approche plusieurs dizaines de briquettes. Hier, à la rentrée, la machine est passée à la charge : le plein d’eau, 22000 litres, le plein de charbon et de briquettes, méticuleusement rangées à refus sur les côtés du tender. Les équipes Ouest avaient l’habitude de garnir les tenders à outrance, qui étaient ainsi chargés « à la Batignolles ».

A l’aide du marteau il en casse sur le plancher de l’abri.  Elles comportent  trois stries sur la face qu’il convient de mettre sur le sol pour bien, et facilement, les éclater en trois morceaux. Il se rappelle la maxime de son premier patron : « La briquette d’Aniche meure la face contre terre ! ».

Elles sont jetées dans le foyer. La pelle est sortie de sa cachette. Il faut environ 500 kg de charbon pour préparer la machine. La pelle est l’outil avec lequel le CFRU va alimenter le feu. 3500 kg de charbon seront consommés pour les 228 km de Paris – Le Havre. Il faudra les enfourner à raison d’environ 24 kg par minute, pour vaporiser les 21000 litres d’eau nécessaires. C’est pourquoi, la pelle est façonnée, mise à sa main, par le chauffeur, et peut donc être convoitée par des collègues peu scrupuleux, d’où la pratique de la cacher…

Le stagiaire Lapôtre se met à l’astiquage des cuivres de la devanture : encadrement des manomètres et tuyauteries. Pavier part à l’huilerie remplir les bidons, sortis du coffre du tender, avec l’huile à surchauffe, l’huile des boîtes d’essieux, et l’huile à mouvement pour le mécanisme, que son chef va répartir dans sa visite. La pression monte doucement, et c’est une pratique qu’il faut maîtriser. Il s’agit d’arriver sur le train avec un bon feu et suffisamment de gaz, mais sans plus. Il faut absolument éviter une levée de soupape en gare. Le démarrage activera fortement le feu. Il ne faut pas non plus que les soupapes crachent la précieuse vapeur en passant devant les Batignolles : ce serait une partie de l’honneur de l’équipe qui serait raillée par ses collègues du dépôt. Patriarche a fini son graissage et sa visite qu’il termine par le mécanisme intérieur des deux cylindres BP. Il sort de la fosse, et range seringue, marteau, bidons et clés dans le tender. Sur la plateforme, il remonte le « Flaman » à la belle façade de laiton et dont le tic – tac remplit l’habitacle. La turbo – dynamo ronronne en fournissant l’éclairage des fanaux et des appareils de mesure et de conduite. Il place ensuite le bulletin de marche du train derrière la glace du support. Chauffeur et stagiaire sont sur la chaudière, et après avoir fait briller les cerclages de la chaudière, ils s’attaquent aux tôles qu’ils nettoient avec des essuyages imbibés de pétrole. Ils contrôlent le niveau des sablières. L’heure de sortie arrive. Le drapeau rouge, accroché au tender, et qui protégeait la machine et l’équipe de toute manœuvre intempestive de l’engin est retiré. Un dernier arrosage du charbon et de la plateforme est fait afin d’éviter les turbulences du poussier, soulevé par le vent. La 538 refoule doucement sur son train, déjà à quai à Saint Lazare. En vue de la rame du 103, un sablage préventif est fait, hors des aiguillages, pour parer un éventuel patinage. Accostage, compression des tampons, immobilisation de la Pacific au frein direct, l’agent de manœuvre, procède à l’attelage sous le contrôle du MECRU. La conduite de chauffage est raccordée et la vanne de vapeur est ouverte pour alimenter les 10 voitures en cette fraîche matinée de Novembre. L’essai de frein est effectué : l’agent de manœuvre a ouvert le robinet de la conduite générale du dernier véhicule. Le manomètre chute jusqu’au vidage de la conduite. Les sabots de frein serrent sur les roues. Le robinet est refermé. Patriarche tourne le robinet H7 du frein automatique sur remplissage et réalimente la conduite. L’agent lui remet le bulletin de composition de la rame : 11 véhicules, 38 essieux, 455 t. Le 103 est un Express qui fera direct Rouen, puis Motteville, Yvetot, et Bréauté – Beuzeville, avant Le Havre. Le départ est à 8 h 45. D’ici là, l’équipe se décontracte. La porte du foyer est entrouverte, pour éviter la fumée et refroidir (un peu) les gaz. Les soupapes, prêtes à  chantonner, montrent que la 538 est au timbre. Tout est maintenant paré. Il n’ y a plus qu’à attendre le guidon du « fromage blanc ».(3)

Le départ a lieu à l’heure, la mise en vitesse et la traversée de la proche banlieue s’effectuent normalement. A la gare d’Achères, le 103, sur la voie 1 roule à 95 km/h, et dépasse par la droite un messagerie en train de s’arrêter, sur la voie 3 au carré protégeant la bifurcation. Celle-ci est en effet sur le point d’être abordée à voie libre par le RA 42368, aux Ambassadeurs. Il est 9h.

 

Le 102

 
Gare de Rouen –  Rive droite. 7 h 55 mn. Le train rapide 102 arrivé du Havre est à quai pour un bref arrêt de 3 minutes, avant de s’élancer pour Paris  C’est un des meilleurs trains de la ligne. Il est composé de seulement sept voitures de 1ère classe. Ce sont des voitures modernes dites «DEV Inox ». Le tout fait 310 t pour 30 essieux. Derrière la machine, se trouve l’inévitable fourgon Ouest à deux essieux, dont le côté un peu archaïque détonne, devant cette belle rame en acier inoxydable. La machine, dont le compresseur bat pour remonter la pression dans la conduite générale du frein, est la 231 D 702 du Havre, comme son équipe titulaire. Le CFRU Chartier fait le plein d’eau du tender. Le MECRU Muselier visite rapidement le mécanisme et tâte les températures des boîtes d’essieu et têtes de bielles du dos de la main. L’étape pour Paris sera dure. L’horaire est tendu, et ce train est un des plus rapides de France en traction vapeur. Il est alloué 82 mn pour couvrir les 140 km jusqu’à Paris Saint – Lazare. La vitesse maximale autorisée de 130 km/h, devra être pratiquée sur  chaque zone où elle est possible. La vitesse commerciale départ à arrêt ressort à près de 103 km/h. Seul le 101, son homologue du sens impair le bat en mettant 1mn de moins. Muselier est soucieux. Il se rapproche de Galmiche, son chef de traction qui est encore sur le quai et rejoint l’équipe pour l’accompagner jusqu’à Paris. Il y aura déjà au moins 1 mn de retard au départ de Rouen. En temps normal, la Pacific, la rattraperait aisément. Mais des zones de travaux d’électrification et de remaniements de voie en grande banlieue créent des ralentissements. Il faudra vraiment tirer sur la machine. L’équipe remontée sur la plateforme, se penche pour saisir le signal de départ du chef de service. 7 h 58 : La marche HP est amenée à 60%, la BP (4) à 70%, le frein direct est desserré, la vanne Coquart ouverte permet l’admission directe de la vapeur dans les cylindres BP. Le démarrage est ainsi plus énergique. Le petit régulateur BP est poussé à fond, au talon. Le grand régulateur HP est manœuvré doucement. Le 102 est décollé et rentre dans le tunnel suivant immédiatement la gare, dans un nuage de vapeur sortant des purgeurs des cylindres. Sur les rails mouillés par l’eau tombée de la voûte, la 702 sollicitée par son patron, amorce un patinage révélé par le rythme accéléré de l’échappement. Muselier ouvre les sablières et passe la marche en compound en fermant le « démarreur » (5). Tout rentre dans l’ordre. Les gaz de combustion mêlés à la vapeur sortent de l’échappement Kylchap 1K/T pour s’écraser sous la voûte. Le feu est clair, l’eau est haute dans les tubes, la chaudière est au timbre, la machine en excellent état mécanique, l’équipe très professionnelle est aguerrie. Tout est réuni pour bien « faire » ce train qui arrive comme annoncé dans les informations lignes, sur le TIV (Tableau Indicateur de Vitesse) à 30 km/h protégeant les travaux des Mureaux. Une remontée en vitesse, est bridée à 80 km/h, par un autre TIV à l’entrée de Vernouillet, dont l’ancienne gare est passée avec 2 mn de retard. Il est 9h.

 



Vue en 1962, cette composition évoque celle du 103. Elle va aborder, en provenance de Paris,  la bifurcation des Ambassadeurs, dont le raccordement en direction de Creil et du triage est visible à gauche.
La voie 3 est visible au premier plan, la traversée jonction se trouve juste à gauche devant la locomotive.




Cousine proche de la 231 D 702, la 722 est vue ici à Cherbourg en 1962





Sur la CC 64007 du RA 42368

Sur la 231 D 538 du 103

Sur la 231 D 702 du 102

A 9 h et 1 mn, Marchand sent que son train, qui est sur la pente du raccordement, le pousse. Il amorce un court freinage. 

La vitesse tombe de 28 à 22 km/h, puis remonte à 27 km/h. Il passe la TJD et est aiguillé, comme attendu, sur sa gauche, sur la voie 3. 

A 9 h 2 mn, il sent que la CC 64007 accuse un choc, et voit des morceaux de wagons qui passent par-dessus son Diesel, et qui en labourent le côté droit. Son aide, Marcadet, veut ouvrir la fenêtre droite pour voir ce qui se passe.

Elle est heureusement bloquée, et dans un grand fracas, la porte s’ouvre, sous une poussée extérieure. Marcadet se réfugie à gauche. Marchand voit également le 103 passer sur la voie 1 puis un nuage de poussières et de vapeur blanche. 

Son train s’arrête de lui-même, le manomètre de la conduite de frein a chuté à 0 kg. Il pressent que cela doit être grave, puisque la conduite générale est coupée, sans réaliser précisément ce qui s’est passé. Il arrête le moteur. Ce qui est sur, c’est que le 103 a déraillé. 

D’un seul coup, cette tournée sur Trappes qu’il voyait quelques instants avant se passer sans histoire, se transforme en un évènement majeur de sa vie de tractionnaire. Il pense tout de suite à assurer une protection par l’avant, pour prévenir les circulations de sens pair, venant de province. La sécurité arrière est assurée par la signalisation du block automatique lumineux (BAL). Il se saisit des pétards, et des torches rouges du lot de bord qu’il allume. Il croyait bien n’avoir jamais à s’en servir. Il confie une torche à son aide, et ils partent en courant vers Poissy en sortant par la porte gauche. A sa grande surprise, il reconnaît, devant sa machine, les débris des deux premiers wagons de son train.  Il ne comprend pas, sur le coup, comment cela a bien pu arriver. Marchand pose un pétard sur la voie 2, juste avant d’apercevoir le 102, dont il se rappellera avoir vu le mécanicien penché à sa fenêtre.

Pendant ce temps, Marcadet a saisi un téléphone de voie, le poste 13, et a demandé que Poissy ferme ses signaux. 

A 9h 1mn et 30s, Patriarche, aux commandes de la 538, aperçoit la voie 1 sur laquelle il circule, obstruée par des wagons, qui visiblement viennent du train de marchandises qui raccorde sur la voie 3 par la bifurcation des Ambassadeurs.

Il a tout de suite compris que leur passage sur la TJD ne s’est pas bien passé. Il sait que l’accident est inévitable. Il déclenche le freinage d’urgence, coupe la vapeur et crie « cramponnez vous ». Le choc a lieu à 9 h et 2 mn à 66 km/h. Bousculant les wagons entremêlés, la 231 D 538 les lamine entre elle et la CC 64007 sur sa gauche. 

La locomotive ainsi repoussée sur sa droite, et roulant sur des débris, déraille. Elle se couche sur son côté droit en travers des voies 3 et 1. Son tender, le 22 C 279 obstrue, lui, la voie 2. Choqué, légèrement blessé, Patriarche se porte également en protection vers Poissy. Il regarde son train, seul le fourgon est déraillé, la première voiture, une B 10, est légèrement endommagée. Quelque peu rassuré sur ses voyageurs, il remarque que très vite, trois personnes essaient de porter secours à Pavier, son chauffeur, dont le bras semble coincé entre deux traverses déplacées. 

Mais l’urgence qui s’impose à lui est d’arrêter les circulations venant de province sur voie 2, sur laquelle son tender est couchée. Il réalise qu’il aurait normalement du croiser le 102 entre Maisons – Lafitte et Achères. Il pense que les travaux ne l’ont que peu retardé, et qu’il va arriver incessamment à la vitesse maximale autorisée. Il ne voit pas encore Marchand et Marcadet en raison du nuage de vapeur dégagé par sa machine. 

 

 

Le MECRU Muselier a laissé le manche à son chef de traction Galmiche comme c’est l’usage.  Après le TIV de Vernouillet, Galmiche tente de récupérer les 2 minutes et marches allongées, régulateur au talon, la 702 donne toute sa puissance. 

La gare de Villennes est passée à 120 km/h à 9 h 01 mn 45 secondes, et la courbe de Poissy à 9 h 04. 

Galmiche aperçoit brutalement le carré 156 protégeant la bifurcation des Ambassadeurs fermé, malgré que le panneau d’avertissement précédent ait été présenté à voie libre. 

Son expérience lui fait pressentir de gros ennuis, et il pousse son robinet H7 sur le freinage d’urgence, ferme le régulateur, et ouvre en grand le sablage. Le bruit de l’échappement prolongé de l’air comprimé du frein, envahit la cabine, mêlé à celui du sifflet aigrelet déclanché par le franchissement du signal fermé. Par réflexe, il a même trouvé le temps de le vigiler. Pour ajouter au vacarme, alors que la machine est en plein effort pour tenter de rattraper son retard, avec un feu encore maintenu haut et vif, la fermeture du régulateur entraîne la bruyante levée des soupapes. La chaudière dont la vapeur n’est plus utilisée par les cylindres doit s’échapper. Par réflexe également, Chartier, le chauffeur amorce son injecteur. La bande Flaman montrera que le 103 roulait alors à 118 km/h. Il écrase des pétards au PK 22+740, et voit deux torches rouges défiler,sur le côté. Galmiche, tire sur la commande du sifflet qu’il actionne en continu. Devant, à quelques centaines de mètres, un nuage de vapeur, s’élève. Des gens se sauvent. Il entend à nouveau des pétards. Il sait immédiatement ce qui provoque cette nuée blanche. 

Ce seront de gros, gros ennuis ! La rame réagit bien au freinage. Les triples valves des voitures ont libérés l’air comprimé des réservoirs vers les cylindres de frein. Les voitures DEV Inox sont équipées d’un frein OP R1 54 t à deux étages de pression, dont le serrage est doublé au-dessus de 60 km/h.  Les voyageurs, dont beaucoup sont des habitués de ce train « d’affaires », s’étonnent de la violence de la décélération à un endroit inhabituel, et sans ralentissement prémonitoire. Le bruit, et l’odeur âcre de ferraille surchauffée des sabots de frein mordant les roues, se ressentent malgré l’isolation de ces récentes voitures. Et ce sifflet qui hurle un désespoir inconnu ! Les conversations s’arrêtent. Sur la machine, le mécanicien titulaire de la 702 se tient à droite, avec son chauffeur. Il voit le carré anormalement fermé, les torches rouges et le nuage de vapeur sortant d’une masse sombre en  travers de la voie. Il entend les pétards, et comprend qu’ils n’arriveront pas à Saint Lazare, et malgré lui, il pense d’abord à SA machine qui va cogner dans une autre masse de ferraille. Par réflexe de responsabilité, et de protection dérisoire, Il fait signe à son chauffeur de s’accrocher. Celui-ci avait déjà compris…

 

Dans le poste d’aiguillage des Ambassadeurs

 

Celui-ci est placé le long de la voie 3, juste à l’endroit du choc. Lamonnière, aiguilleur CAP2 est en poste. Le gros de la pointe matinale du trafic est maintenant passé. Dès que le RA 42368 qui arrive tranquillement, aura dégagé sa zone en quittant la voie 3 pour la Grande Ceinture, il disposera ses aiguilles en continuation directe Achères – Poissy, pour un prochain « banlieue » terminus Mantes La Jolie. Il pourra alors se préparer un café. 

Sans y porter sciemment attention, il réalise que quelque chose ne va pas bien. L’angle formé entre deux wagons, derrière la masse du Diesel, est anormal, et devient de plus en plus aigu. Ils ont déraillé et envahissent la voie 1. Ceci se passe doucement et silencieusement. Le bruit des roues, crochant traverses et ballast, lui semble n’arriver qu’après. Il pense tout de suite à SON aiguille, et vérifie ses leviers. Ils sont correctement disposés, ainsi que le montre le contrôle de position. 

L’adrénaline monte : et le 103 qui est déjà dans la zone d’annonce ? Et bien le 103 est juste derrière le 42368, et percute les wagons. Là aussi, Lamonnière, a l’impression de voir l’accident avant de l’entendre. Sa compréhension des faits ne correspond pas à sa logique du chemin de fer, dans laquelle à chaque train correspond une voie, et où les wagons respectent la direction qu’il a tracée. Au panache de vapeur de la machine se mêlent des débris de toute sorte qui volent plus haut que le train. Il sort du poste, et du haut de l’escalier, voit l’étendue des dégâts. C’est son deuxième choc, mais le métier reprenant immédiatement le dessus, il reçoit une nouvelle bouffée d’adrénaline : le 102 du Havre n’est pas passé, et sur sa voie, il y a le tender couché du 103 ! Il se précipite, et ferme le carré 156 avec le dispositif d’urgence, car son tableau lui montre que la zone d’approche est déjà occupée par le 102. Celui-ci se trouve donc entre l’avertissement, et le carré. Il ne pourra pas s’arrêter. Lamonnière alerte le régulateur par téléphone à 9 h 2mn et 30s. Il ressort avec torches et pétards, tout en sachant que c’est inutile.

 


Le poste des Ambassadeurs vu en 1962. 
On distingue parfaitement la traversée-jonction double, qui est le coeur de l'accident

Poste des ambassadeurs 1962

Le plan de voies actuel en 2015 est assez différent. Le débouché du triage passe derrière le poste et aboutit voie 1 bis (ex voie 3) sans possibilité de rejoindre avant Poissy la voie 1 . Le rayon du raccordement s'en trouve amélioré. La jonction voie 1- voie 2 a été supprimée.




Arrivant sur la voie de gauche, la CC 64007 a été dirigée  vers la gauche, et les wagons qui la suivaient ont déraillé

Au poste de régulation

 
 Lambert est de service. Le trafic commence à se calmer côté Banlieue. Côté Grandes Lignes, les principaux départs vers la province sont faits. Finalement tout s’est  relativement bien passé, à part un signal éteint sur la voie vers Dieppe par Gisors, qui a causé quelques marches à vue et retards. Le poste des Ambassadeurs appelle à 9 h et 2 mn et signale que les voies 1, 2 et 3 sont obstruées par un déraillement, et tout change. Malgré les interrogations, et l’inquiétude, il s’agit avant tout d’informer les gares encadrantes pour qu’elles stoppent toutes les circulations paires et impaires, tout en connaissant l’angoissante chronologie du 102 pour lequel on ne peut plus rien. Ensuite, appeler les secours : les sapeurs - pompiers de Poissy, les plus proches, qui demanderont le renfort d’Achères et de Saint Germain en Laye. Puis la gendarmerie, qui informera la Préfecture de Seine et Oise. Enfin, informer la hiérarchie à Saint Lazare. 

 

A la gare de Poissy

 

L’agent Potier (SLG3) reçoit l’appel de Marcadet depuis le poste 13. Il avait déjà fermé ses signaux sur demande du régulateur, et arrêté ainsi le train 334. Mais le 102 est passé à 120 km/h. Marcadet a la gorge nouée car il sait l’accident inévitable.

 

Dans le 103


Pinchard est cheminot et se trouve en voyageur dans la deuxième voiture du 103. Il se lance de suite vers la machine pour secourir, car il sait que les protections et alertes seront faites par les cheminots en service comme il convient. Il a vu des torches rouges vers Poissy. Il découvre le chauffeur du 103 coincé sur la voie, et arrosé par l’eau du tender. Il ferme la vanne droite, et aperçoit quelqu’un (le stagiaire Lapôtre) sur le tender qui ferme la vanne gauche.

 
Boisrond, mécanicien, et son chauffeur, Balivier, sont aussi « en voiture » dans le 103. Ils rejoignent Rouen où ils sont commandés pour un train. Ils se portent également au secours du chauffeur du 103. Ils sont rejoint par d’autres cheminots, passagers du 103 : le conducteur électricien (CRE) Herbert du dépôt du Charolais, et le chauffeur Deconninck, en tenue de ville. Ils sont six à aider le malheureux chauffeur.

 
Dans le poste d’aiguillage des Ambassadeurs

 
Du haut de son escalier, Lamonnière voit le 102 arriver vite, trop vite. Il est un des seuls à voir l’inexorabilité de la scène dans son ensemble. Un panache de vapeur s’éleve brusquement de la chaudière de la machine, comme si celle-ci avait pressenti ce qui allait arriver, et protestait à sa manière. C’est la levée des soupapes de sureté. Il est littéralement en état de choc, un nouvel accident est imparable, et il ne peut rien faire. Il crie pour que les sauveteurs occupés sur le tender du 103 se sauvent, sauvent leur vie. Ce que peuvent faire quelques uns, mais pas tous.

Dans un fracas épouvantable, la 231 D 702 heurte le tender de la 538, qui pivote et la laisse passer. Mais elle déraille du bogie avant sous la force du choc, puis des essieux moteurs.

Le métier surpasse l’effroi. Lamonnière sait que tous n’ont pas pu s’en sortir. Il reprend son téléphone et informe le régulateur du deuxième désastre.

 
Sur la voie

 
Parmi les cheminots sauveteurs qui s’efforcent de dégager le chauffeur Panier, certains entendent arriver le 102, et les cris de Lamonnière. Lapôtre qui est sur le tender saute avant que la 702 ne percute, et s’en sort. Le choc a lieu à 9h 5 mn et 25 secondes. Après 400 mètres de freinage d’urgence, au  PK 22+585, la 231 D 702 déraille à 75 km/h en heurtant le tender de la 538. Pinchard a juste le temps de sauter sur la piste entre les voies 2 et 4. Il est cependant heurté par le 102, et blessé, ainsi que Herbert. Quant à Balivier, Deconninck et Panier, ils sont accrochés par la machine, et tués sur le coup. La Pacific déraille et roule sur le ballast pendant plusieurs dizaines de mètres. Muselier est projeté à gauche sur Galmiche. La machine finit par se coucher sur le côté gauche. L’équipe reçoit des projections de ballast, charbon, eau, bidons d’huile, et débris divers, dans fracas de bruits de matériaux torturés. Le fourgon et les deux premières voitures ont également déraillés, mais sont restés debout. Le reste du train n’a rien.

 

Au poste de régulation

 
Sans surprise, résigné, Lambert raccroche. Il reprend sa litanie téléphonique. Il appelle également le chef de dépôt d’Achères qui déclanchera les moyens de secours. Puis il sonne Les Ambassadeurs et questionne Lamonnière qui lui confirme que le groupe V est totalement coupé, aucune des quatre voies n’est praticable. Malgré le désarroi général, il doit organiser le trafic. Les trains continueront à rouler, même aujourd’hui. Le service vers Dieppe par Gisors, qui bifurque à droite avant Achères ne sera pas impacté. Pour Rouen, Le Havre et Cherbourg, il dispose des voies du groupe VI. Ce trafic sera dirigé par la ligne de la rive droite, par Conflans Sainte Honorine, qui raccorde à Mantes La Jolie. Tous les MECRU circulant sur cette zone ont la « connaissance de ligne » (6) qui permettra de les dévier inopinément  Quant à la banlieue rive gauche, il va falloir organiser des services partiels. Les triages tels Achères, Sotteville, et ceux alimentant la GC Ouest retiendront leurs convois de marchandises, pour l’instant. La journée sera triste et mouvementée.

  

Le Bilan 

Côté humain, 

il est de 4 morts (6), tous des agents SNCF, et de 7 blessés dont 2 graves. 
Côté matériel roulant:

2 locomotives et tenders, 2 wagons de marchandises, 2 fourgons, 1 voiture B 10, 2 voitures A 9
Côté installations fixes :

 3 appareils de voie, 2 appareils de dilatation, 200 mètres de voie, plusieurs poteaux caténaires et signaux
 

 

Les moyens de relevage mis très rapidement en place, ont notamment été : la grue de 50 t des Batignolles, celle de 32 t de Trappes, celle de 50 t de Sotteville et celle de 85 t de Villeneuve. Il faut ajouter les wagons de secours d’Achères et de Trappes.

Ces moyens considérables étaient nécessités par l’interception totale des voies des lignes du Havre, Cherbourg et de la Grande Ceinture.

 
Les causes du déraillement et l’enquête

 
L’enquête initiale a lieu le jour même de l’accident. Très rapidement, il fut établi que le deuxième wagon (le Hz 556-6395 P) du RA 42368 a déraillé sur la TJD 7a7b/8a8b, en entraînant le premier wagon, un fourgon type K. Ils ont engagé le gabarit de la voie 1, sur laquelle arrivait le 103. Les deux  wagons ont été percutés et propulsés devant la CC 64007. Ce deuxième wagon est un wagon porte – autos à deux essieux. Son essieu avant s’est soulevé au passage de la pointe de cœur : la roue avant gauche est montée sur le contre rail, pendant que la roue droite se trouvait dans la lacune de l’appareil. L’examen de la TJD montre :

-Des traces du boudin de la roue sur le côté intérieur de la pointe sur 30 mm, puis interrompus sur 70 mm

-Une trace continue sur la pointe avec chute à l’extérieur, un mètre plus loin.

-Un demi accouplement de frein, ainsi qu’un plateau de tampon ont été retrouvés peu après la TJD.

L’interruption des traces sur le contre rail est la preuve que l’essieu qui a déraillé s’est soulevé en avant de la pointe de cœur. Bien que la constatation des éléments ci-dessus permette de connaître l’origine du déraillement, les enquêteurs, décident de pratiquer une reconstitution, pour valider leurs hypothèses. Elle aura lieu dès le 6 novembre, 48 h après l’accident. Un train semblable au 42368 fut formé : la CC 64015, suivie d’un fourgon Kz, de 2 wagons porte – autos Hz, d’un Jho, et de 52 wagons, pour un total de 560 t. Le wagon en cause, qui est suivi d’un autre du même type, est un porte –auto à double étage, de la STVA (Société de Transport de Véhicules Automobiles) type TA 60. Ils sont autorisés à 140 km/h sur les trains auto – couchettes (TAC). Ils sont légers, et de grand empattement entre les deux essieux. Ils étaient vides.

L’enquête a mis en avant les causes additionnées suivantes qui ont conduit au soulèvement de l’essieu :

-La difficulté d’inscription en courbe de wagons Hz successifs à grand empattement, et à attelages fortement serrés, dans une TJD de 190 m de rayon.

-Ces wagons de faible poids, placés en tête, ont été d’abord tassés par les 500 tonnes de la rame, du fait de la forte pente. Le freinage a pu causer une réaction dans les attelages et les tampons, qui ont subi des compressions excessives

Il n’a toutefois pas été possible de reproduire la montée d’une roue sur le contre rail, mais cela n’est pas de nature à modifier les conclusions des enquêteurs.

 

Les bandes Flaman ont pu donner les indications précises de chronologie et de vitesse indiquées ci-dessus. Celle de la  231 D 702 a été détériorée sur le parcours  antérieur à Villennes, mais récupérée de ce point à l’endroit du choc.

   

Pour conclure

 

Il faut noter dans cet accident plusieurs faits remarquables 

Tout d’abord l’absence de cause ou d’erreur humaine.

Ensuite et surtout, l’admirable comportement des cheminots, qui ont appliqué la consigne « Prévenir, Alerter, Secourir » sans se concerter et chacun dans leur rôle. Promptitude et professionnalisme de ceux qui ont alerté, et couvert le premier accident : il s’est passé exactement 2 mn et 35 secondes entre le déraillement du 103, et celui du 102. Carré fermé, torches et pétards ont permis à la 231 D 702 de perdre de la vitesse, et de réduire l’importance du choc. Courage et dévouement de trois cheminots qui ont porté secours, à leur collègue. Ils sont morts dans leur altruisme, sans malheureusement sauver le pauvre chauffeur

La solidité du matériel ferroviaire qui a préservé les voyageurs: « seulement » 7 blessés pour un tel accident concernant 3 trains dont un rapide et un express, tous deux en vitesse.

L’importance des moyens mis en œuvre pour dégager les voies : pas moins de 4 grues ferroviaires et 2 trains de secours

La promptitude de l’enquête, avec une reconstitution réalisée sous 48 h.

 
Nous souhaitons ici faire appel à nos lecteurs qui pourraient compléter cette narration, notamment sur deux points :

Le temps mis à dégager les voies et les rendre à la circulation : il semble avoir été rapide, car on a pu procéder à la reconstitution du déraillement du Hz, sur les lieux mêmes, deux jours après. Peut-être était-ce juste avant la reddition des voies ? Ou après ?

Quelles sont les dispositions qui ont été prises, concernant les wagons porte – autos Hz type TA 60, et leur comportement ? 

 

Cette bifurcation fut un point noir pour les Pacific Ouest. Le 4 juillet 1926, au même endroit, le 158 Le Havre - Paris déraillait voie 2, à 90 km/h. Suite à un affaissement de la plateforme, un TIV à 30 km/h avait été mis en place. En raison d’un fort orage, le mécanicien de la 231 – 603 n’a pas vu le signal et aborde la zone à 90 km/h. Il y eut 18 morts et 98 blessés, alors qu’il n’y a pas eu collision, mais déraillement d’un seul train. La sécurité passive apporté par le matériel voyageurs moderne, et les voitures en bois, ou métallisées de l’époque expliquent la différence de bilan humain entre ces deux accidents. 

Renvois:

 (1) Caténaires

 

 (2) Chauffeur de route

 

 (3) Le guidon est la palette présentée au mécanicien pour lui donner le signal de départ par le chef de service. 

Celui-ci porte une casquette blanche, d’où son surnom.

(4) Cette machine, comme la 538, est une « compound ». 

La vapeur est utilisée une première fois par les 2 cylindres HP : Haute Pression, puis dirigée vers les 2 cylindres BP : Basse Pression. En phase de démarrage, le mécanicien peut admettre directement la vapeur sous la pleine pression de la chaudière, dans les 4 cylindres.

 

  (5) Surnom de la vanne Coquart qui exprime bien sa fonction.

(6) Pour un conduire un train, il faut trois qualifications :

    - l’autorisation de capacité personnelle

   - l’autorisation de conduire le type de machine

   - l’autorisation de circuler sur une ligne donnée : c’est la connaissance de ligne.

 

 (7) Le rapport d’enquête interne SNCF, si il reproduit les témoignages, et précise  le nombre de décédés, ne  les nomme pas formellement. Ils ont été indiqués  ici par déduction. 

Il y a au moins un doute, en partant de ce document, sur  l’identité de l’un d’entre eux.

 

  
 
Liste du matériel détruit ou avarié

Train RA 42368 :

- Fourgon K 397648

- Porte – autos Hz 556-6395 P

- Porte – autos Hz 5502-114 P

- Jho 104090

Train 103 :

- Locomotive 231 D 538

- Tender 22 C 279

- Fourgon Dq 39970

- Voiture B 10 34735

 

Train 102

- Locomotive 231 D 702

- Tender 22 C 477

- Fourgon Dq 39699

- Voiture A9 3030

- Voiture A9 3024

 









Vue de la 64007 vers l'arrière













La 231 D 702 en tête du 102 couchée sur son flanc gauche













Vue de la zone de contact entre le côté droit du 103 et le train de marchandises












Vue sur le côté gauche du 102 et de son tender couché.












La 538 percutée par le 702 et ses voitures inox.












La déformation du fourgon du 102 a permis la préservation des voitures inox, qui présentent elles-mêmes une bonne sécurité passive.












Vue sur le côté gauche du 102 - La 702  et son tender couchés.








Petite histoire des engins moteurs en cause

- 231 D 538 : construite à Nantes en 1922 par Batignolles – Châtillon et affectée aux dépôts de Rouen et du Havre. Transformation aux ateliers de Quatre Mares (4M) en 1934 (2ème tranche). Mise en attente d’amortissement le 10/12/64 et radiation le 23/07/65 à Trappes. Son tender, le 22 C 279 a été construit par North British.

- 231 D 702 : construite par Schneider en 1920 / 21et affectée toute sa carrière au Havre. Transformation à 4M en 1937 (8ème tranche). Cette machine a remorqué les trains présidentiels Paris – Le Havre (AR) de 16 juillet 1949, puis celui des 26 et 27 Juin 1954. Elle reçut des plaques commémoratives à cette occasion. Mise en attente d’amortissement le 10/12/64 et radiation le 23/07/65 à Trappes. Son tender, le 22 C 477 a été construit par les usines de Tilleul, sur la commande TP (Ministère des Travaux Publics) pour le réseau de l’ETAT.

 

Cet accident fut fatal aux deux Pacific. Leur effectif devenait pléthorique devant la progression des électrifications. Elles avaient plus de 40 ans, et malgré leur excellent état, et leurs performances, des réparations ne se justifiaient pas.

  

- CC 64007 : anciennement numérotée 060 DA 7, elle deviendra CC 65507. Commandée en Août 1952, elle sera livrée par la CAFL de Saint Chamond le 5 janvier 1956. Poids 116 t. Vitesse 75 km/h. Moteur CCM Sulzer 12 LDA28 de 2000 ch. Elle sera mise en attente d’amortissement en mai 1983, puis radiée la même année et vendue à l’entreprise Desquenne et Giral pour ses trains de travaux.
Passage à Poissy en queue d'un train de travaux de la 65507 aux couleurs SECO-DG

Vue au début des années 1990 à Poissy la 65507 impliquée dans l'accident poursuit sa carrière.
Jean – Pierre COMES

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