L’ACCIDENT DU 4 NOVEMBRE 1964 A ACHERES (Bifurcation des Ambassadeurs)
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Préambule du site:
Jean-Pierre COMES a bien voulu
nous confier un texte qu'il a rédigé sur le tragique
accident qui survint le 4 novembre 1964 au niveau de la bifurcation
dite des Ambassadeurs, sur le territoire de la commune de St
Germain en Laye
Nous publions ce texte et les
documents qui l'accompagnent, avec son accord, avec la volonté
de remettre les faits dans leur contexte, et d'illustrer le courage et
la mémoire de ceux qui ont donné leur vie pour accomplir
leur devoir. Nous avons ajouté quelques illustrations issues de notre collection.
Cet accident fut engendré par un déraillement survenu au sein d'un convoi de marchandises RA 42368 ,
qui se rendait de Creil via Conflans et Achères, vers Poissy St
Germain et Versailles par la Grande Ceinture Ouest.
Les trains 103 puis 102,
rapide et express à destination et en provenance de Paris et du
Havre, furent à leur tour impliqués dans cette
collision.
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Préambule de l'auteur :
Les faits qui relatent directement cet
accident, sont exacts et tirés des rapports d’enquête conservés aux Archives
SNCF du Mans.
Les noms des cheminots concernés ont été changés. La narration
est un travail d’imagination romancé, basée cependant sur des descriptions, ou
des pratiques, réelles, ou vraisemblables. Les photographies, malheureusement
de qualité moyenne, ont été prises par un riverain, mais ont l’attrait de
n’avoir jamais été publiées.
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Le
RA 42368
Ce mercredi
matin, il faisait relativement bon, malgré le bruit et l’odeur de gas-oil, dans
la cabine de la CC
64007. Le MECRU (Mécanicien de route) Marchand du dépôt de Creil, se dit que ce
n’est pas parfait, mais que côté confort, et tranquillité morale, la conduite
d’un Diesel est finalement rassurante. C’est un vaporiste, qui a du passer par
une formation de reconversion. L’électrification Paris- Nord en 1958 a fortement diminué les
prestations vapeur des équipes de Creil. Heureusement, les 141 TC de Beaumont
qui y relaient, et les 141 R entre autres, fournissent encore un roulement
correct. Ce bouleversement dans la
Traction est fulgurant. A tel point que même ces gros Diesel
ont été chassées de la partie Nord – Est de la Grande Ceinture
(GC), électrifiée en 1963, et ont du chercher du trafic jusqu’à Creil, ce qui
est loin pour elles ! Comme lui, elles se reconvertissent, et leur gros
domaine d’activité concerne maintenant l’Ouest de la GC. Marchand se
demande si il ne devra pas aussi passer par une formation
« Electrique », compte tenu de l‘irrésistible progression des
« ficelles» (1). Il n’est pas emballé, à quelques années de la retraite,
et conserve un attachement à ses Vapeurs qui constituent encore une partie non
négligeable de son roulement. Marchand pense que son jeune aide conducteur (AICDDZL)
devra s’adapter et ne fera pas le même métier que lui ! Ils mènent donc un
train de messageries Creil – Trappes, le RA 42368. Derrière la CC 64007, il y a 35 wagons, 70
essieux pour 564 t.
Après avoir
passé Persan - Beaumont, Saint Ouen L’Aumône, Eragny, Conflans Fin d’Oise et
traversé la Seine,
le RA 42368 aborde la forêt d’Achères un peu avant 9h.
Au loin,
l’avertissement du signal protégeant l’accès à la voie 3 de Paris – Le Havre
vient de virer du jaune au vert. Ils ne perdront pas de temps pour passer la
bifurcation des Ambassadeurs. Il desserre le frein automatique, et roule sur
l’erre. Marchand, se remémore la suite du programme : quelques centaines
de mètres à faire sur cette voie 3, avant de prendre à gauche la GC vers Poissy GC, Saint
Germain GC, Saint Nom La
Bretèche, Noisy Le Roi, puis le faisceau de Saint Cyr
l’Ecole, où il rebroussera sur la ligne Paris – Le Mans jusqu’à Trappes. Le
casse-croûte au dépôt sera le bienvenu ! En quittant la voie 3 par la GC, il aura à passer un point
dur : courbes et rampe de 11 pour mille, en tranchée et en forêt sur 5 km jusqu’au tunnel des
Relais. Cette zone a toujours été redoutée par les tractionnaires, qui, surtout
en Automne, craignent les feuilles mortes, causes de patinages imparables.
Marchand se rassure : il n’a qu’un train relativement léger, et sa CC
admet 1600 t sur cette ligne. Elle a une excellente adhérence, et il a vérifié
l’approvisionnement des sablières. Le rail est sec. Et puis surtout, avec cet
engin, pas de crainte d’aborder la rampe avec peu de gaz et pas d’eau dans la
chaudière ! Il passe le carré ouvert puis le pont au-dessus des quatre
voies Paris – Le Havre, et se laisse descendre vers l’aiguille qui le
raccordera à la voie 3. C’est une traversée – jonction – double, la TJD 7a7b/8a8b. Il ne
tractionne pas, car le raccordement est en pente de 10 pour mille, et il se
laisse couler à moins de 30
km/h. Il est 9h.
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Comme
la 64007 juste avant l'accident, la 64011 franchit ici les voies 1 à 4
sur le pont des Ambassadeurs avant de se laisser glisser vers la voie 3, devenue aujourd'hui 1 bis. |
Le
103
Dépôt des
Batignolles. L’équipe du dépôt de Havre, Patriarche (MECRU) et Pavier (CFRU)
(2) arrive à la « feuille », le bureau de commande des roulants, pour
prendre son service, une heure avant la prise officielle, comme ils en ont
l’habitude. Ils veulent avoir le temps d’astiquer leur Pacific dont ils sont
titulaires, et qu’ils avaient rentrée dans ce dépôt la veille. C’est la 231 D
538 (du Havre également). Il est impensable qu’elle sorte sale pour se mettre
en tête à Saint Lazare. Les machines de vitesse de la région Ouest, gardent un
état mécanique et une apparence impeccables malgré leur fin programmée sous
quelques petites années. L’électrification de Paris – Le Havre est en cours, et
la ligne est déjà jalonnée de poteaux et caténaires. Cette propreté est leur
honneur de tractionnaire, soutenu par la Direction du Matériel et Traction de l’Ouest qui
reste traditionaliste, sur ce point . Ces Pacific, puissantes et rapides
(130km/h) sont en charge des meilleurs trains sur Cherbourg et Le Havre. Pour
commencer, Pavier se préoccupe du feu, Il a été rejoint par Lapôtre qui fait un
stage chauffeur (OPFL). Certainement un des derniers stagiaires… La pression
est suffisante pour activer le souffleur. Le charbon en ignition a été regroupé
en talon, au milieu du foyer, près de la porte, pour le stationnement durant la
nuit. Il l’étale vers l’avant et sur les côtés, avec le ringard sorti de son
fourreau. Il vérifie le niveau d’eau : la chaudière est pleine. Il monte
sur le tender et approche plusieurs dizaines de briquettes. Hier, à la rentrée,
la machine est passée à la charge : le plein d’eau, 22000 litres, le plein
de charbon et de briquettes, méticuleusement rangées à refus sur les côtés du
tender. Les équipes Ouest avaient l’habitude de garnir les tenders à outrance,
qui étaient ainsi chargés « à la Batignolles ».
A l’aide du
marteau il en casse sur le plancher de l’abri.
Elles comportent trois stries sur
la face qu’il convient de mettre sur le sol pour bien, et facilement, les
éclater en trois morceaux. Il se rappelle la maxime de son premier
patron : « La briquette d’Aniche meure la face contre
terre ! ».
Elles sont
jetées dans le foyer. La pelle est sortie de sa cachette. Il faut environ 500 kg de charbon pour
préparer la machine. La pelle est l’outil avec lequel le CFRU va alimenter le
feu. 3500 kg
de charbon seront consommés pour les 228 km de Paris – Le Havre. Il faudra les
enfourner à raison d’environ 24
kg par minute, pour vaporiser les 21000 litres d’eau
nécessaires. C’est pourquoi, la pelle est façonnée, mise à sa main, par le
chauffeur, et peut donc être convoitée par des collègues peu scrupuleux, d’où
la pratique de la cacher…
Le
stagiaire Lapôtre se met à l’astiquage des cuivres de la devanture :
encadrement des manomètres et tuyauteries. Pavier part à l’huilerie remplir les
bidons, sortis du coffre du tender, avec l’huile à surchauffe, l’huile des
boîtes d’essieux, et l’huile à mouvement pour le mécanisme, que son chef va
répartir dans sa visite. La pression monte doucement, et c’est une pratique
qu’il faut maîtriser. Il s’agit d’arriver sur le train avec un bon feu et
suffisamment de gaz, mais sans plus. Il faut absolument éviter une levée de
soupape en gare. Le démarrage activera fortement le feu. Il ne faut pas non
plus que les soupapes crachent la précieuse vapeur en passant devant les
Batignolles : ce serait une partie de l’honneur de l’équipe qui serait raillée
par ses collègues du dépôt. Patriarche a fini son graissage et sa visite qu’il
termine par le mécanisme intérieur des deux cylindres BP. Il sort de la fosse,
et range seringue, marteau, bidons et clés dans le tender. Sur la plateforme,
il remonte le « Flaman » à la belle façade de laiton et dont le tic –
tac remplit l’habitacle. La turbo – dynamo ronronne en fournissant l’éclairage
des fanaux et des appareils de mesure et de conduite. Il place ensuite le
bulletin de marche du train derrière la glace du support. Chauffeur et
stagiaire sont sur la chaudière, et après avoir fait briller les cerclages de
la chaudière, ils s’attaquent aux tôles qu’ils nettoient avec des essuyages
imbibés de pétrole. Ils contrôlent le niveau des sablières. L’heure de sortie
arrive. Le drapeau rouge, accroché au tender, et qui protégeait la machine et
l’équipe de toute manœuvre intempestive de l’engin est retiré. Un dernier
arrosage du charbon et de la plateforme est fait afin d’éviter les turbulences
du poussier, soulevé par le vent. La 538 refoule doucement sur son train, déjà
à quai à Saint Lazare. En vue de la rame du 103, un sablage préventif est fait,
hors des aiguillages, pour parer un éventuel patinage. Accostage, compression
des tampons, immobilisation de la
Pacific au frein direct, l’agent de manœuvre, procède à
l’attelage sous le contrôle du MECRU. La conduite de chauffage est raccordée et
la vanne de vapeur est ouverte pour alimenter les 10 voitures en cette fraîche
matinée de Novembre. L’essai de frein est effectué : l’agent de manœuvre a
ouvert le robinet de la conduite générale du dernier véhicule. Le manomètre
chute jusqu’au vidage de la conduite. Les sabots de frein serrent sur les
roues. Le robinet est refermé. Patriarche tourne le robinet H7 du frein
automatique sur remplissage et réalimente la conduite. L’agent lui remet le
bulletin de composition de la rame : 11 véhicules, 38 essieux, 455 t. Le
103 est un Express qui fera direct Rouen, puis Motteville, Yvetot, et Bréauté –
Beuzeville, avant Le Havre. Le départ est à 8 h 45. D’ici là, l’équipe se
décontracte. La porte du foyer est entrouverte, pour éviter la fumée et
refroidir (un peu) les gaz. Les soupapes, prêtes à chantonner, montrent que la 538 est au
timbre. Tout est maintenant paré. Il n’ y a plus qu’à attendre le guidon du
« fromage blanc ».(3)
Le départ a
lieu à l’heure, la mise en vitesse et la traversée de la proche banlieue
s’effectuent normalement. A la gare d’Achères, le 103, sur la voie 1 roule à 95 km/h, et dépasse par la
droite un messagerie en train de s’arrêter, sur la voie 3 au carré protégeant
la bifurcation. Celle-ci est en effet sur le point d’être abordée à voie libre
par le RA 42368, aux Ambassadeurs. Il est 9h.
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Le
102
Gare de
Rouen – Rive droite. 7 h 55 mn. Le train
rapide 102 arrivé du Havre est à quai pour un bref arrêt de 3 minutes, avant de
s’élancer pour Paris C’est un des
meilleurs trains de la ligne. Il est composé de seulement sept voitures de 1ère
classe. Ce sont des voitures modernes dites «DEV Inox ». Le tout fait
310 t pour 30 essieux. Derrière la machine, se trouve l’inévitable fourgon
Ouest à deux essieux, dont le côté un peu archaïque détonne, devant cette belle
rame en acier inoxydable. La machine, dont le compresseur bat pour remonter la
pression dans la conduite générale du frein, est la 231 D 702 du Havre, comme
son équipe titulaire. Le CFRU Chartier fait le plein d’eau du tender. Le MECRU
Muselier visite rapidement le mécanisme et tâte les températures des boîtes
d’essieu et têtes de bielles du dos de la main. L’étape pour Paris sera dure.
L’horaire est tendu, et ce train est un des plus rapides de France en traction
vapeur. Il est alloué 82 mn pour couvrir les 140 km jusqu’à Paris Saint –
Lazare. La vitesse maximale autorisée de 130 km/h, devra être
pratiquée sur chaque zone où elle est
possible. La vitesse commerciale départ à arrêt ressort à près de 103 km/h. Seul le 101, son
homologue du sens impair le bat en mettant 1mn de moins. Muselier est soucieux.
Il se rapproche de Galmiche, son chef de traction qui est encore sur le quai et
rejoint l’équipe pour l’accompagner jusqu’à Paris. Il y aura déjà au moins 1 mn
de retard au départ de Rouen. En temps normal, la Pacific, la rattraperait
aisément. Mais des zones de travaux d’électrification et de remaniements de voie
en grande banlieue créent des ralentissements. Il faudra vraiment tirer sur la
machine. L’équipe remontée sur la plateforme, se penche pour saisir le signal
de départ du chef de service. 7 h 58 : La marche HP est amenée à 60%, la BP
(4) à 70%, le frein direct
est desserré, la vanne Coquart ouverte permet l’admission
directe de la vapeur
dans les cylindres BP. Le démarrage est ainsi plus
énergique. Le petit
régulateur BP est poussé à fond, au talon. Le
grand régulateur HP est manœuvré
doucement. Le 102 est décollé et rentre dans le tunnel
suivant immédiatement la
gare, dans un nuage de vapeur sortant des purgeurs des cylindres. Sur
les rails
mouillés par l’eau tombée de la voûte, la 702
sollicitée par son patron, amorce
un patinage révélé par le rythme
accéléré de l’échappement. Muselier
ouvre les
sablières et passe la marche en compound en fermant le
« démarreur »
(5). Tout rentre dans l’ordre. Les gaz de combustion
mêlés à la vapeur sortent
de l’échappement Kylchap 1K/T pour s’écraser
sous la voûte. Le feu est clair,
l’eau est haute dans les tubes, la chaudière est au
timbre, la machine en
excellent état mécanique, l’équipe
très professionnelle est aguerrie. Tout est
réuni pour bien « faire » ce train qui
arrive comme annoncé dans les
informations lignes, sur le TIV (Tableau Indicateur de Vitesse)
à 30 km/h protégeant les
travaux des Mureaux. Une remontée en vitesse, est bridée à 80 km/h, par un autre TIV à
l’entrée de Vernouillet, dont l’ancienne gare est passée avec 2 mn de retard.
Il est 9h.
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Vue en 1962, cette
composition évoque celle du 103. Elle va aborder, en provenance
de Paris, la bifurcation des Ambassadeurs, dont le raccordement
en direction de Creil et du triage est visible à gauche.
La voie 3 est visible au premier plan, la traversée jonction se trouve juste à gauche devant la locomotive.
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Cousine proche de la 231 D 702, la 722 est vue ici à Cherbourg en 1962
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Sur
la CC 64007 du RA
42368
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Sur
la 231 D 538 du 103
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Sur la 231 D 702 du 102
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A 9 h et 1
mn, Marchand sent que son train, qui est sur la pente du raccordement, le
pousse. Il amorce un court freinage.
La vitesse tombe de 28 à 22 km/h, puis remonte à 27 km/h. Il passe la TJD et est aiguillé, comme
attendu, sur sa gauche, sur la voie 3.
A
9 h 2 mn, il sent que la CC
64007 accuse un choc, et voit des morceaux de wagons qui passent par-dessus son
Diesel, et qui en labourent le côté droit. Son aide, Marcadet, veut ouvrir la
fenêtre droite pour voir ce qui se passe.
Elle est heureusement bloquée, et
dans un grand fracas, la porte s’ouvre, sous une poussée extérieure. Marcadet
se réfugie à gauche. Marchand voit également le 103 passer sur la voie 1 puis
un nuage de poussières et de vapeur blanche.
Son train s’arrête de lui-même, le
manomètre de la conduite de frein a chuté à 0 kg. Il pressent que cela
doit être grave, puisque la conduite générale est coupée, sans réaliser
précisément ce qui s’est passé. Il arrête le moteur. Ce qui est sur, c’est que
le 103 a
déraillé.
D’un seul coup, cette tournée sur Trappes qu’il voyait quelques
instants avant se passer sans histoire, se transforme en un évènement majeur de
sa vie de tractionnaire. Il pense tout de suite à assurer une protection par
l’avant, pour prévenir les circulations de sens pair, venant de province. La
sécurité arrière est assurée par la signalisation du block automatique lumineux
(BAL). Il se saisit des pétards, et des torches rouges du lot de bord qu’il
allume. Il croyait bien n’avoir jamais à s’en servir. Il confie une torche à
son aide, et ils partent en courant vers Poissy en sortant par la porte gauche.
A sa grande surprise, il reconnaît, devant sa machine, les débris des
deux premiers wagons de son train. Il ne
comprend pas, sur le coup, comment cela a bien pu arriver. Marchand pose un
pétard sur la voie 2, juste avant d’apercevoir le 102, dont il se rappellera
avoir vu le mécanicien penché à sa fenêtre.
Pendant ce
temps, Marcadet a saisi un téléphone de voie, le poste 13, et a demandé que
Poissy ferme ses signaux.
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A 9h 1mn et
30s, Patriarche, aux commandes de la 538, aperçoit la voie 1 sur laquelle il
circule, obstruée par des wagons, qui visiblement viennent du train de
marchandises qui raccorde sur la voie 3 par la bifurcation des Ambassadeurs.
Il
a tout de suite compris que leur passage sur la TJD ne s’est pas bien passé. Il sait que
l’accident est inévitable. Il déclenche le freinage d’urgence, coupe la vapeur
et crie « cramponnez vous ». Le choc a lieu à 9 h et 2 mn à 66 km/h. Bousculant les
wagons entremêlés, la 231 D 538 les lamine entre elle et la CC 64007 sur sa gauche.
La
locomotive ainsi repoussée sur sa droite, et roulant sur des débris, déraille.
Elle se couche sur son côté droit en travers des voies 3 et 1. Son tender, le 22 C 279 obstrue, lui, la voie
2. Choqué, légèrement blessé, Patriarche se porte également en protection vers
Poissy. Il regarde son train, seul le fourgon est déraillé, la première
voiture, une B 10, est légèrement endommagée. Quelque peu rassuré sur ses
voyageurs, il remarque que très vite, trois personnes essaient de porter
secours à Pavier, son chauffeur, dont le bras semble coincé entre deux
traverses déplacées.
Mais l’urgence qui s’impose à lui est d’arrêter les
circulations venant de province sur voie 2, sur laquelle son tender est
couchée. Il réalise qu’il aurait normalement du croiser le 102 entre Maisons –
Lafitte et Achères. Il pense que les travaux ne l’ont que peu retardé, et qu’il
va arriver incessamment à la vitesse maximale autorisée. Il ne voit pas encore
Marchand et Marcadet en raison du nuage de vapeur dégagé par sa machine.
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Le MECRU
Muselier a laissé le manche à son chef de traction Galmiche comme c’est
l’usage. Après le TIV de Vernouillet,
Galmiche tente de récupérer les 2 minutes et marches allongées, régulateur au
talon, la 702 donne toute sa puissance.
La gare de Villennes est passée à 120 km/h
à 9 h 01 mn 45
secondes, et la courbe de Poissy à 9 h 04.
Galmiche
aperçoit brutalement le
carré 156 protégeant la bifurcation des Ambassadeurs
fermé, malgré que le
panneau d’avertissement précédent ait
été présenté à voie libre.
Son
expérience
lui fait pressentir de gros ennuis, et il pousse son robinet H7 sur le
freinage
d’urgence, ferme le régulateur, et ouvre en grand le
sablage. Le bruit de
l’échappement prolongé de l’air
comprimé du frein, envahit la cabine, mêlé à
celui du sifflet aigrelet déclanché par le franchissement
du signal fermé. Par
réflexe, il a même trouvé le temps de le vigiler.
Pour ajouter au vacarme,
alors que la machine est en plein effort pour tenter de rattraper son
retard,
avec un feu encore maintenu haut et vif, la fermeture du
régulateur entraîne la
bruyante levée des soupapes. La chaudière dont la vapeur
n’est plus utilisée
par les cylindres doit s’échapper. Par réflexe
également, Chartier, le
chauffeur amorce son injecteur. La bande Flaman montrera que le 103
roulait
alors à 118 km/h.
Il écrase des pétards au PK 22+740, et voit deux torches rouges défiler,sur le
côté. Galmiche, tire sur la commande du sifflet qu’il actionne en continu.
Devant, à quelques centaines de mètres, un nuage de vapeur, s’élève. Des gens
se sauvent. Il entend à nouveau des pétards. Il sait immédiatement ce qui
provoque cette nuée blanche.
Ce seront de gros, gros ennuis ! La rame
réagit bien au freinage. Les triples valves des voitures ont libérés l’air
comprimé des réservoirs vers les cylindres de frein. Les voitures DEV Inox sont
équipées d’un frein OP R1 54 t à deux étages de pression, dont le serrage est
doublé au-dessus de 60 km/h. Les voyageurs, dont beaucoup sont des
habitués de ce train « d’affaires », s’étonnent de la violence de la
décélération à un endroit inhabituel, et sans ralentissement prémonitoire. Le
bruit, et l’odeur âcre de ferraille surchauffée des sabots de frein mordant les
roues, se ressentent malgré l’isolation de ces récentes voitures. Et ce sifflet
qui hurle un désespoir inconnu ! Les conversations s’arrêtent. Sur la
machine, le mécanicien titulaire de la 702 se tient à droite, avec son
chauffeur. Il voit le carré anormalement fermé, les torches rouges et le nuage
de vapeur sortant d’une masse sombre en
travers de la voie. Il entend les pétards, et comprend qu’ils n’arriveront
pas à Saint Lazare, et malgré lui, il pense d’abord à SA machine qui va cogner
dans une autre masse de ferraille. Par réflexe de responsabilité, et de
protection dérisoire, Il fait signe à son chauffeur de s’accrocher. Celui-ci
avait déjà compris…
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Dans
le poste d’aiguillage des Ambassadeurs
Celui-ci
est placé le long de la voie 3, juste à l’endroit du choc. Lamonnière,
aiguilleur CAP2 est en poste. Le gros de la pointe matinale du trafic est
maintenant passé. Dès que le RA 42368 qui arrive tranquillement, aura dégagé sa
zone en quittant la voie 3 pour la Grande Ceinture, il disposera ses aiguilles en
continuation directe Achères – Poissy, pour un prochain « banlieue »
terminus Mantes La Jolie. Il
pourra alors se préparer un café.
Sans y porter sciemment attention, il réalise
que quelque chose ne va pas bien. L’angle formé entre deux wagons, derrière la
masse du Diesel, est anormal, et devient de plus en plus aigu. Ils ont déraillé
et envahissent la voie 1. Ceci se passe doucement et silencieusement. Le bruit
des roues, crochant traverses et ballast, lui semble n’arriver qu’après. Il
pense tout de suite à SON aiguille, et vérifie ses leviers. Ils sont correctement
disposés, ainsi que le montre le contrôle de position.
L’adrénaline
monte : et le 103 qui est déjà dans la zone d’annonce ? Et bien le
103 est juste derrière le 42368, et percute les wagons. Là aussi, Lamonnière, a
l’impression de voir l’accident avant de l’entendre. Sa compréhension des faits
ne correspond pas à sa logique du chemin de fer, dans laquelle à chaque train
correspond une voie, et où les wagons respectent la direction qu’il a tracée.
Au panache de vapeur de la machine se mêlent des débris de toute sorte qui
volent plus haut que le train. Il sort du poste, et du haut de l’escalier, voit
l’étendue des dégâts. C’est son deuxième choc, mais le métier reprenant
immédiatement le dessus, il reçoit une nouvelle bouffée d’adrénaline : le
102 du Havre n’est pas passé, et sur sa voie, il y a le tender couché du
103 ! Il se précipite, et ferme le carré 156 avec le dispositif d’urgence,
car son tableau lui montre que la zone d’approche est déjà occupée par le 102.
Celui-ci se trouve donc entre l’avertissement, et le carré. Il ne pourra pas
s’arrêter. Lamonnière alerte le régulateur par téléphone à 9 h 2mn et 30s. Il
ressort avec torches et pétards, tout en sachant que c’est inutile.
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Le poste
des
Ambassadeurs vu en 1962. On distingue parfaitement la
traversée-jonction double, qui est le coeur de l'accident
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Le
plan de voies actuel en 2015 est assez différent. Le
débouché du triage passe derrière le poste et
aboutit voie 1 bis (ex voie 3) sans possibilité de rejoindre
avant Poissy la
voie 1 . Le rayon du raccordement s'en trouve amélioré.
La jonction voie 1- voie 2 a été supprimée.
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Arrivant sur la voie de gauche, la CC 64007 a été
dirigée vers la gauche, et les wagons qui la suivaient ont
déraillé
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Au poste de régulation
Lambert est de service. Le trafic commence à
se calmer côté Banlieue. Côté Grandes Lignes, les principaux départs vers la
province sont faits. Finalement tout s’est
relativement bien passé, à part un signal éteint sur la voie vers Dieppe
par Gisors, qui a causé quelques marches à vue et retards. Le poste des
Ambassadeurs appelle à 9 h et 2 mn et signale que les voies 1, 2 et 3 sont
obstruées par un déraillement, et tout change. Malgré les interrogations, et
l’inquiétude, il s’agit avant tout d’informer les gares encadrantes pour
qu’elles stoppent toutes les circulations paires et impaires, tout en
connaissant l’angoissante chronologie du 102 pour lequel on ne peut plus rien.
Ensuite, appeler les secours : les sapeurs - pompiers de Poissy, les plus
proches, qui demanderont le renfort d’Achères et de Saint Germain en Laye. Puis
la gendarmerie, qui informera la
Préfecture de Seine et Oise. Enfin, informer la hiérarchie à
Saint Lazare.
A
la gare de Poissy
L’agent
Potier (SLG3) reçoit l’appel de Marcadet depuis le poste 13. Il avait déjà
fermé ses signaux sur demande du régulateur, et arrêté ainsi le train 334. Mais
le 102 est passé à 120 km/h.
Marcadet a la gorge nouée car il sait l’accident inévitable.
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Dans
le 103
Pinchard
est cheminot et se trouve en voyageur dans la deuxième voiture du 103. Il
se lance de suite vers la machine pour secourir, car il sait que les
protections et alertes seront faites par les cheminots en service comme il
convient. Il a vu des torches rouges vers Poissy. Il découvre le chauffeur du
103 coincé sur la voie, et arrosé par l’eau du tender. Il ferme la vanne
droite, et aperçoit quelqu’un (le stagiaire Lapôtre) sur le tender qui ferme la
vanne gauche.
Boisrond,
mécanicien, et son chauffeur, Balivier, sont aussi « en voiture »
dans le 103. Ils rejoignent Rouen où ils sont commandés pour un train. Ils se
portent également au secours du chauffeur du 103. Ils sont rejoint par d’autres
cheminots, passagers du 103 : le conducteur électricien (CRE) Herbert du
dépôt du Charolais, et le chauffeur Deconninck, en tenue de ville. Ils sont six
à aider le malheureux chauffeur.
Dans
le poste d’aiguillage des Ambassadeurs
Du haut de
son escalier, Lamonnière voit le 102 arriver vite, trop vite. Il est un des
seuls à voir l’inexorabilité de la scène dans son ensemble. Un panache de
vapeur s’éleve brusquement de la chaudière de la machine, comme si celle-ci
avait pressenti ce qui allait arriver, et protestait à sa manière. C’est la
levée des soupapes de sureté. Il est littéralement en état de choc, un nouvel
accident est imparable, et il ne peut rien faire. Il crie pour que les
sauveteurs occupés sur le tender du 103 se sauvent, sauvent leur vie. Ce que
peuvent faire quelques uns, mais pas tous.
Dans un
fracas épouvantable, la 231 D 702 heurte le tender de la 538, qui pivote et la
laisse passer. Mais elle déraille du bogie avant sous la force du choc, puis
des essieux moteurs.
Le métier
surpasse l’effroi. Lamonnière sait que tous n’ont pas pu s’en sortir. Il reprend
son téléphone et informe le régulateur du deuxième désastre.
Sur
la voie
Parmi les
cheminots sauveteurs qui s’efforcent de dégager le chauffeur Panier, certains
entendent arriver le 102, et les cris de Lamonnière. Lapôtre qui est sur le
tender saute avant que la 702 ne percute, et s’en sort. Le choc a lieu à 9h 5
mn et 25 secondes. Après 400
mètres de freinage d’urgence, au PK 22+585, la 231 D 702 déraille à 75 km/h en heurtant le
tender de la 538. Pinchard a juste le temps de sauter sur la piste entre les
voies 2 et 4. Il est cependant heurté par le 102, et blessé, ainsi que Herbert.
Quant à Balivier, Deconninck et Panier, ils sont accrochés par la machine, et
tués sur le coup. La Pacific
déraille et roule sur le ballast pendant plusieurs dizaines de mètres. Muselier
est projeté à gauche sur Galmiche. La machine finit par se coucher sur le côté
gauche. L’équipe reçoit des projections de ballast, charbon, eau, bidons
d’huile, et débris divers, dans fracas de bruits de matériaux torturés. Le
fourgon et les deux premières voitures ont également déraillés, mais sont
restés debout. Le reste du train n’a rien.
Au poste de régulation
Sans
surprise, résigné, Lambert raccroche. Il reprend sa litanie téléphonique. Il
appelle également le chef de dépôt d’Achères qui déclanchera les moyens de
secours. Puis il sonne Les Ambassadeurs et questionne Lamonnière qui lui
confirme que le groupe V est totalement coupé, aucune des quatre voies n’est
praticable. Malgré le désarroi général, il doit organiser le trafic. Les trains
continueront à rouler, même aujourd’hui. Le service vers Dieppe par Gisors, qui
bifurque à droite avant Achères ne sera pas impacté. Pour Rouen, Le Havre et
Cherbourg, il dispose des voies du groupe VI. Ce trafic sera dirigé par la
ligne de la rive droite, par Conflans Sainte Honorine, qui raccorde à Mantes La Jolie. Tous les MECRU circulant
sur cette zone ont la « connaissance de ligne » (6) qui permettra de
les dévier inopinément Quant à la
banlieue rive gauche, il va falloir organiser des services partiels. Les
triages tels Achères, Sotteville, et ceux alimentant la
GC Ouest retiendront leurs convois de
marchandises, pour l’instant. La journée sera triste et mouvementée.
Le
Bilan
Côté humain,
il est de 4 morts (6),
tous des agents SNCF, et de 7 blessés dont 2 graves. |
Côté matériel roulant:
2
locomotives et tenders, 2 wagons de marchandises, 2 fourgons, 1 voiture B 10, 2
voitures A 9 |
Côté installations fixes :
3 appareils de
voie, 2 appareils de dilatation, 200 mètres de voie, plusieurs poteaux
caténaires et signaux
|
Les moyens
de relevage mis très rapidement en place, ont notamment été : la grue de
50 t des Batignolles, celle de 32 t de Trappes, celle de 50 t de Sotteville et
celle de 85 t de Villeneuve. Il faut ajouter les wagons de secours d’Achères et
de Trappes.
Ces moyens
considérables étaient nécessités par l’interception totale des voies des lignes
du Havre, Cherbourg et de la Grande Ceinture.
Les
causes du déraillement et l’enquête
L’enquête
initiale a lieu le jour même de l’accident. Très rapidement, il fut établi que
le deuxième wagon (le Hz 556-6395 P) du RA 42368 a déraillé sur la TJD 7a7b/8a8b, en entraînant
le premier wagon, un fourgon type K. Ils ont engagé le gabarit de la voie 1,
sur laquelle arrivait le 103. Les deux
wagons ont été percutés et propulsés devant la CC 64007. Ce deuxième wagon est
un wagon porte – autos à deux essieux. Son essieu avant s’est soulevé au
passage de la pointe de cœur : la roue avant gauche est montée sur le
contre rail, pendant que la roue droite se trouvait dans la lacune de
l’appareil. L’examen de la TJD
montre :
-Des traces du boudin de la roue sur
le côté intérieur de la pointe sur 30 mm, puis interrompus sur 70 mm
-Une trace continue sur la pointe
avec chute à l’extérieur, un mètre plus loin.
-Un demi accouplement de frein, ainsi
qu’un plateau de tampon ont été retrouvés peu après la TJD.
L’interruption
des traces sur le contre rail est la preuve que l’essieu qui a déraillé s’est
soulevé en avant de la pointe de cœur. Bien que la constatation des éléments
ci-dessus permette de connaître l’origine du déraillement, les enquêteurs,
décident de pratiquer une reconstitution, pour valider leurs hypothèses. Elle
aura lieu dès le 6 novembre, 48 h après l’accident. Un train semblable au 42368
fut formé : la CC
64015, suivie d’un fourgon Kz, de 2 wagons porte – autos Hz, d’un Jho, et de 52
wagons, pour un total de 560 t. Le wagon en cause, qui est suivi d’un autre du
même type, est un porte –auto à double étage, de la STVA (Société de Transport de
Véhicules Automobiles) type TA 60. Ils sont autorisés à 140 km/h sur les trains
auto – couchettes (TAC). Ils sont légers, et de grand empattement entre les
deux essieux. Ils étaient vides.
L’enquête a
mis en avant les causes additionnées suivantes qui ont conduit au soulèvement
de l’essieu :
-La difficulté d’inscription en
courbe de wagons Hz successifs à grand empattement, et à attelages fortement
serrés, dans une TJD de 190 m
de rayon.
-Ces wagons de faible poids, placés
en tête, ont été d’abord tassés par les 500 tonnes de la rame, du fait de la
forte pente. Le freinage a pu causer une réaction dans les attelages et les
tampons, qui ont subi des compressions excessives
Il n’a
toutefois pas été possible de reproduire la montée d’une roue sur le contre
rail, mais cela n’est pas de nature à modifier les conclusions des enquêteurs.
Les bandes
Flaman ont pu donner les indications précises de chronologie et de vitesse
indiquées ci-dessus. Celle de la 231 D 702 a été détériorée sur le
parcours antérieur à Villennes, mais
récupérée de ce point à l’endroit du choc.
Pour
conclure
Il faut
noter dans cet accident plusieurs faits remarquables
Tout d’abord l’absence de cause ou
d’erreur humaine.
Ensuite et surtout, l’admirable
comportement des cheminots, qui ont appliqué la consigne « Prévenir,
Alerter, Secourir » sans se concerter et chacun dans leur rôle.
Promptitude et professionnalisme de ceux qui ont alerté, et couvert le premier
accident : il s’est passé exactement 2 mn et 35 secondes entre le
déraillement du 103, et celui du 102. Carré fermé, torches et pétards ont
permis à la 231 D 702 de perdre de la vitesse, et de réduire l’importance du
choc. Courage et dévouement de trois cheminots qui ont porté secours, à leur
collègue. Ils sont morts dans leur altruisme, sans malheureusement sauver le pauvre
chauffeur
La solidité du matériel
ferroviaire qui a préservé les voyageurs: « seulement » 7
blessés pour un tel accident concernant 3 trains dont un rapide et un express,
tous deux en vitesse.
L’importance des moyens mis en œuvre
pour dégager les voies : pas moins de 4 grues ferroviaires et 2 trains de
secours
La promptitude de l’enquête, avec
une reconstitution réalisée sous 48 h.
Nous
souhaitons ici faire appel à nos lecteurs qui pourraient compléter cette
narration, notamment sur deux points :
Le temps mis à dégager les voies et
les rendre à la circulation : il semble avoir été rapide, car on a pu
procéder à la reconstitution du déraillement du Hz, sur les lieux mêmes, deux
jours après. Peut-être était-ce juste avant la reddition des voies ? Ou
après ?
Quelles sont les dispositions qui
ont été prises, concernant les wagons porte – autos Hz type TA 60, et leur
comportement ?
Cette
bifurcation fut un point noir pour les Pacific Ouest. Le 4 juillet 1926, au
même endroit, le 158 Le Havre - Paris déraillait voie 2, à 90 km/h. Suite à un
affaissement de la plateforme, un TIV à 30 km/h avait été mis en place. En raison d’un
fort orage, le mécanicien de la 231 – 603 n’a pas vu le signal et aborde la zone
à 90 km/h.
Il y eut 18 morts et 98 blessés, alors qu’il n’y a pas eu collision, mais
déraillement d’un seul train. La sécurité passive apporté par le matériel
voyageurs moderne, et les voitures en bois, ou métallisées de l’époque
expliquent la différence de bilan humain entre ces deux accidents.
Renvois: |
(1) Caténaires
(2) Chauffeur de route
(3) Le guidon est la palette présentée au
mécanicien pour lui donner le signal de
départ par le chef de service.
Celui-ci porte une casquette blanche, d’où son surnom.
|
(4)
Cette machine, comme la 538, est une « compound ».
La vapeur est
utilisée une première fois par les 2 cylindres
HP : Haute Pression, puis dirigée vers les 2 cylindres BP : Basse Pression. En
phase de démarrage, le mécanicien peut admettre directement la vapeur sous la
pleine pression de la chaudière, dans les 4 cylindres.
(5) Surnom de la vanne Coquart qui exprime bien sa fonction. |
(6) Pour un conduire un train, il
faut trois qualifications :
- l’autorisation de capacité
personnelle
- l’autorisation de conduire le type de machine
- l’autorisation de circuler sur une ligne donnée : c’est la
connaissance de ligne.
(7) Le rapport d’enquête interne SNCF, si il
reproduit les témoignages, et précise
le
nombre de décédés, ne les nomme pas formellement.
Ils ont été
indiqués
ici par déduction.
Il y a au moins un doute, en partant de ce document,
sur
l’identité de l’un d’entre eux.
|
Liste du matériel
détruit ou avarié
Train RA 42368 :
- Fourgon K 397648
- Porte – autos Hz 556-6395 P
- Porte – autos Hz 5502-114 P
- Jho 104090 |
Train 103 :
- Locomotive 231 D 538
- Tender 22 C 279
- Fourgon Dq 39970
- Voiture B 10 34735
|
Train 102
- Locomotive 231 D 702
- Tender 22 C 477
- Fourgon Dq 39699
- Voiture A9 3030
- Voiture A9 3024 |
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Vue de la 64007 vers l'arrière
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La 231 D 702 en tête du 102 couchée sur son flanc gauche
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Vue de la zone de contact entre le côté droit du 103 et le train de marchandises
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Vue sur le côté gauche du 102 et de son tender couché.
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La 538 percutée par le 702 et ses voitures inox.
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La déformation du fourgon du 102 a permis la préservation
des voitures inox, qui présentent elles-mêmes une
bonne sécurité passive.
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Vue sur le côté gauche du 102 - La 702 et son tender couchés.
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Petite
histoire des engins moteurs en cause
- 231 D 538 : construite à Nantes en 1922 par Batignolles –
Châtillon et affectée aux dépôts de Rouen et du Havre. Transformation aux
ateliers de Quatre Mares (4M) en 1934 (2ème tranche). Mise en
attente d’amortissement le 10/12/64 et radiation le 23/07/65 à Trappes. Son
tender, le 22 C
279 a
été construit par North British.
- 231 D 702 : construite par Schneider en 1920 / 21et affectée
toute sa carrière au Havre. Transformation à 4M en 1937 (8ème
tranche). Cette machine a remorqué les trains présidentiels Paris – Le Havre
(AR) de 16 juillet 1949, puis celui des 26 et 27 Juin 1954. Elle reçut des
plaques commémoratives à cette occasion. Mise en attente d’amortissement le
10/12/64 et radiation le 23/07/65 à Trappes. Son tender, le 22 C 477 a été construit par les
usines de Tilleul, sur la commande TP (Ministère des Travaux Publics) pour le
réseau de l’ETAT.
Cet accident fut fatal
aux deux Pacific. Leur effectif devenait pléthorique devant la progression des
électrifications. Elles avaient plus de 40 ans, et malgré leur excellent état,
et leurs performances, des réparations ne se justifiaient pas.
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- CC 64007 : anciennement numérotée 060 DA 7, elle deviendra CC
65507. Commandée en Août 1952, elle sera livrée par la CAFL de Saint Chamond le 5
janvier 1956. Poids 116 t. Vitesse 75 km/h. Moteur CCM Sulzer 12 LDA28 de 2000 ch.
Elle sera mise en attente d’amortissement en mai 1983, puis radiée la même
année et vendue à l’entreprise Desquenne et Giral pour ses trains de travaux. |
Vue au début des années 1990 à Poissy la 65507
impliquée dans l'accident poursuit sa carrière.
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Jean – Pierre COMES
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